Copyright 2007-2012
Built with Indexhibit

Avant de suivre un cursus artistique au sein de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, j’ai d’abord entrepris une thèse en histoire contemporaine, projet au titre à rallonge qui s’intéressait aux représentations et aux discours produits dans l’entre-deux-guerres sur les pratiques sexuelles dites minoritaires. Thèse commencée puis abandonnée en chemin, d’autres voiess’étant ouvertes entre temps au sein de collectifs, autonomes, utopistes et autogestionnaires en France, aux Pays-Bas et en Espagne. Ces vies-là, bien qu’aujourd’hui lointaines, continuent de résonner en certains endroits de ma pratique.

Au sein de cette dernière, j’explore au moyen d’écritures élargies et performatives qui naviguent entre corps, outil et langage, les formes créées par l’être-ensemble, par la co-présence de celles et ceux qui partagent un même espace et une même temporalité.

Que je cherche à en imaginer de possibles agencements, à l’écrire, à le représenter ou à l’activer, il s’agit à chaque fois d’interroger le caractère tangible et imperceptiblement dense de l’espace immatériel qui nous sépare et qui nous relie. J’élabore ainsi des architectures utopiques, des jeux, des systèmes, des généalogies, des partitions ou autres collective large objects, autant de points d’amorce qui proposent de rendre palpable, en pensées ou en actes, ce qui nous fait tenir ensemble. Autant d’outils pour se mettre en mouvement, permettre l’émergence d’une attention renouvelée à ce qui fait commun, composer des nous temporaires, fragiles ou contradictoires.

Mon travail puise ces modalités d’élaboration à la confluence de deux espaces, deux pratiques dont on pourrait croire au premier abord qu’elles différent, mais qui partagent pour tant un certain nombre de similitudes : les pratiques chorégraphiques d’une part – et plus spécifiquement celles qui mettent en jeu des partitions, des scores – et les pratiques dites algorithmiques d’autre part. Ces dernières s’appuient sur deux formes textuelles, la partition et le programme. Ces formes m’intéressent en ce qu’elles mettent en jeu, à leur manière qui est parfois très proche, la notion de langage performatif : un langage opérant, un langage qui donne lieu et corps aux réalités ou aux phénomènes qu’il énonce. Un langage qui peut également servir de règle du jeu, de boite à outils, de structure initiale venant accueillir autant de formes et de possibles qu’il sera permis d’en imaginer. Un langage qui ne « colle » pas au réel, qui ne le redouble pas, mais ouvre aux interstices de ses trames, des espaces vierges, des espaces de projection, des espaces poétiques.

Pratiques chorégraphiques et pratiques algorithmiques répondent également à mon goût pour les processus et les versions, pour la variation, pour les formes temporairement gelées plutôt qu’une fois pour toute abouties ou closes. En cela, ma pratique artistique prend les traits d’une recherche qui tendrait à ne pas trouver son terme, qui prendrait pied dans une mise en mouvement perpétuel de la pensée.